C'était quelques heures après la naissance de Jésus.
Exténué,
l'âne est sorti
de l'étable pour se changer les idées. Il s'est promené le long d'une petite
rivière. Il goûtait le calme, la lumière du soir était douce, les parfums
l'apaisaient. L'âne marchait donc dans la campagne quand il a rencontré une foule ou
tout le monde parlait à la fois sans s'occuper des autres.
L'arrivée de l'âne provoqua une diversion.
- Que cherchez-vous leur dit-il ?
Chacun a répondu avec beaucoup de tristesse dans la voix :
- Je voudrais voler dit le poisson !
- Je voudrais nager dit l'aigle !
- Je voudrais y voir mieux dit la taupe !
- Je voudrais ne plus voir la nuit, dit le hibou, ce qui s'y passe est trop
laid !
- Je voudrais chanter dit le serpent !
- Je voudrais sourire dit le scorpion !
- Je voudrais tant dormir tranquille, dit l'homme inquiet !
- J'ai peur du noir dit l'enfant !
- J'ai peur de la mort, dit le vieux !
- J'ai peur de l'autre, dit le blanc !
- J'ai peur de moi-même, dit l'homme !
- J'ai peur de l'océan, dit la goutte d'eau !
- J'ai peur de la nuit, dit le jour !
- Je voudrais passer inaperçu, dit le paon !
- J'ai peur de l'aurore, dit la nuit !
- Je voudrais m'arrêter dit la rivière !
- Je voudrais me fixer, dit le nuage !
- Je voudrais marcher, dit l'arbre !
Un poète était parmi eux. II n'avait encore rien dit.
Il s'est avancé et a interrogé doucement :
- Et toi, la fleur, tu ne dis rien ?
La fleur est restée silencieuse.
- Et toi, le vent, tu ne dis rien non plus ?
Le vent se taisait.
- Et toi, l'âne, toi non plus tu ne te plains pas ? Dis-nous, toi qui passes
pour sage, qui voudrais-tu être ?
- Moi, dit l'âne, je suis content de mon sort !
Et je n'aurais certainement pas
parlé de la sorte, il y a seulement quelques jours.
- Raconte-nous donc...
- Eh bien ! Juste après la naissance de Jésus, nous avons été envahis par une
troupe d'anges qui chantaient. C'était très beau ! Je n'ai jamais rien entendue
de
pareil. Évidemment, je n'ai pas beaucoup fréquenté les salles de concert, mais,
en tous cas, cela me ravissait !... Et puis, voilà que tout d'un coup, les anges
nous ont apostrophés le bœuf et moi :
Chantez donc avec nous !
- Nous ? Chanter ? Mais il n'en est pas question ! Avez-vous jamais entendu
un âne ou un bœuf chanter ?
Si, Si, Vous pouvez chanter ! Nous sommes sûrs que vous le pouvez.
Après quelques hésitations, nous avons chanté, ils insistaient si gentiment...
Et bien, il paraît que ce n'était pas si mal ! En tous cas, depuis lors, je
me
sens heureux. Vous devriez essayer vous aussi !
- Essayer quoi ?
- Mais de chanter pardi !
- Tu te moques de nous ! Est-ce que tu nous as regardés ?
- Bien sûr que je vous ai regardés et je crois, moi, que vous pouvez chanter !
Tout le monde s'est tu. Certains se sont raclé la gorge. Puis, il y a eu un
frémissement, un murmure, d'abord un peu rocailleux, puis plus doux a mesure que
les voix s'ajoutaient... Le chant était comme un souffle, comme un bouquet, comme
un large tapis très doux, comme un parfum de chèvrefeuille...
D'abord sans paroles, le chant s'est articulé :
- Je n'ai plus peur de l'océan, dit la goutte d'eau !
- Je n'ai plus peur de la nuit, dit l'enfant !
- Je pourrai aimer ce que je suis, dit l'homme !
Le poète s'est avancé, souriant. Il a ajouté :
" Pendant que l'on chante, on ne vieillit
pas et même si nous ne sommes pas tous poètes, comme St. Augustin, nous
pouvons dire que chanter est le propre des êtres qui s'aiment, que c'est par le
chant que nous exprimons le mieux ce que nous ressentons, parce qu'en chantant
nous ne faisons plus qu'un avec le sensible et ainsi, nous pouvons nous ouvrir à
l'intuition d'un Au-delà sans mesure....".
Louer Dieu par la beauté du chant
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