...est-elle un petit groupe de personnes qui
se réunissent le dimanche pour aider le chant de l'assemblée ? Ou au contraire
un groupe bien constitué - un choeur - qui est capable de chanter à plusieurs
voix ? Mais alors où situer la Maîtrise ?
Il n'est pas simple de définir de manière précise ce que l'on désigne
habituellement par le mot chorale.
Peut-être
est-il préférable de tenter, non une définition de la forme, mais plutôt de
la fonction. Nous parlons d'ailleurs volontiers de chorale
liturgique. C'est donc la liturgie qui
définit son champ d'action. Cette chorale n'a de sens que dans la célébration
liturgique : elle n'existe que
pour celle-ci !
Nous venons d'utiliser le mot
groupe et c'est bien de cela qu'il s'agit : la chorale est un groupe déjà
constitué avant même que la célébration ne commence. Elle est une sorte de
communauté au sein de la communauté paroissiale. Ce groupe a une structure, un
chef, une histoire... Il a sa propre vie, non seulement dans la célébration,
mais aussi en dehors de la célébration.
Il se réunit certainement pour des répétitions et peut-être aussi pour des
moments de convivialité. Comment donc insérer un tel groupe dans l'assemblée
liturgique ?
Remarquons
que, dans le titre de cette rubrique, nous parlons d'acteurs et non
d'intervenants. La chorale n'est pas d'abord là pour intervenir dans la
liturgie à des moments qui lui seraient réservés, mais elle est présente en
tant qu'actrice de la célébration
elle-même.
Elle y joue un rôle qui lui est propre, cela veut dire :
- que
ses interventions n'ont de sens que par
rapport à l'action liturgique,
- qu'elle est au service de cette action,
comme l'animateur (chantre) ou l'organiste,
- plus
précisément, que son ministère consiste à aider
le chant de l'assemblée sans jamais se substituer
à lui.
Une
chorale n'est jamais nécessaire, mais elle peut vraiment faciliter le chant
lorsqu'elle est présente. En effet :
- ce
groupe connaît à l'avance le répertoire qui va être chanté dans la
célébration : il le maîtrise bien. Son chant rassurera donc celui d'une
assemblée peut-être un peu hésitante.
-
parfois, la tâche de la chorale sera de rappeler à l'assemblée le refrain
qu'elle devra reprendre aussitôt. Celle-ci sera aussi heureuse de pouvoir
alterner avec la chorale dans un chant de forme couplet-refrain (ce qui suppose
que chacun ne chante que ce qui lui revient).
- à
d'autres moments encore, par exemple au Sanctus, la chorale joindra sa voix à
celle de l'assemblée pour exprimer qu'elle aussi est membre de ce rassemblement
qui symbolise le Corps du Christ.
Celle-ci peut être la meilleure et la
pire des choses. Interrogeons-nous tout d'abord sur sa visée. Sans doute nos
oreilles occidentales considèrent-elles le chant à plusieurs voix comme plus
" riche ", plus " beau ", plus " solennel
"que la monodie, encore que beaucoup jugent la monodie grégorienne comme
un chant d'une beauté inégalable !
Majestueux, sans doute, ces choeurs de Palestrina qui résonnaient autrefois
sous les voûtes de la Chapelle Sixtine, grandioses toutes ces pièces vocales
qui demandent une parfaite maîtrise d'exécution, mais ces musiques ont-elles
encore leur place dans la liturgie actuelle ?
Oui, à
condition qu'elles n'empêchent pas l'assemblée de chanter
ce qui lui revient. Un chant polyphonique ne viendra donc jamais remplacer un
chant de l'assemblée ; la polyphonie, en revanche, pourra venir " enjoliver
" le chant de l'assemblée lorsque celle-ci en maîtrisera bien la
mélodie.
Quant aux pièces polyphoniques proprement dites (motets latins, compositions
françaises...), elles trouveront place à certains moments de la célébration,
par exemple lors de la préparation de la table voire pendant la communion.
Cependant, on veillera toujours à tenir compte des possibilités réelles de la
chorale. Vouloir n'est pas nécessairement pouvoir. Une polyphonie à deux ou
trois voix sera toujours préférable à une mauvaise polyphonie à quatre voix
d'autant que le chant de la chorale ne se réduit pas au seul chant polyphonique
; aucune chorale ne sera dépréciée parce qu'elle chante à l'unisson car un
bel unisson de voix possède une certaine grandeur et une réelle noblesse.
D'autres distributions vocales sont aussi à découvrir, par exemple la plurivocalité
qui consiste à confier certaines phrases d'un chant aux voix de femmes et
d'autres aux voix d'hommes : cela donne du relief à la mélodie et renouvelle
l'image sonore que nous en avons. Rappelons-nous toujours qu'il ne s'agit pas de
servir une beauté esthétique mais
d'exprimer au mieux le sens de l'action liturgique
tout en permettant à chacun d'y tenir son rôle.
Utiliser la polychoralité, c'est exprimer de manière sonore que chaque groupe
est invité à collaborer à une oeuvre commune : édifier le corps du Christ
dont chacun est un membre. " Vous
êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de
ce corps "
(1 Co 13,27).
La
chorale, c'est aussi et peut-être avant tout, son " chef ".
Le chef d'une chorale exerce un ministère important : il
lui revient de préparer le répertoire qui sera utilisé dans les
célébrations liturgiques à venir.
Préparer le répertoire c'est non seulement :
- le travailler techniquement
en vue des répétitions qui auront lieu avec la chorale, mais aussi,
- réfléchir au sens liturgique
de ce qui aura été choisi, soit par lui, soit par l'ensemble des responsables
du chant dans la célébration : le célébrant, l'animateur (chantre),
l'équipe liturgique, l'organiste.
- le chef de choeur ne devra pas seulement se contenter d'apprendre les chants
aux membres de sa chorale, il devra aussi leur
faire découvrir la richesse des textes
qu'ils seront invités à chanter et leur montrer le sens de ceux-ci au sein
d'un temps ou d'une action liturgique.
- comme les autres acteurs du chant liturgique, le chef de la chorale devra avoir
une bonne connaissance de la liturgie car
lui aussi, devra entrer dans l'intelligence de celle-ci.
Naissance
de l'animateur
En
vingt ans, le rôle de l'animateur a évolué. Après la réforme liturgique, le
souci était de faire participer l'assemblée. Elle retrouvait enfin ses droits,
elle avait son rôle à jouer dans la célébration. Longtemps privée
d'expression, voici qu'elle était sollicitée pour parler et chanter.
L'animateur du chant d'assemblée était né et son principal souci va être de
transformer l'assemblage hétéroclite de chrétiens en un peuple chantant d'une
voix unanime la louange de son Seigneur ! Il a affaire à forte partie car on ne
chante pas spontanément ensemble dans notre pays. En dehors des fêtes de
famille ou des mariages, l'église reste le dernier lieu où l'on est sollicité
pour une expression vocale commune.
L'animateur
devant son assemblée
L'assemblée demeure première. Il doit
savoir ce qui dans son attitude, sa voix, ses gestes, va lui donner une chance
d'exister, de chanter et de faire chanter. Il a autorité sur son assemblée qui
la lui reconnaît bien volontiers, mais une autorité
qui est toujours de
service mais qui est à assumer : on lui obéit, presque au doigt et à l'oeil !
Par sa façon d'être, d'annoncer le chant, de le présenter brièvement,
d'indiquer un départ, l'animateur est le complice, le miroir de l'assemblée
qui a besoin de s'entendre, d'avoir une existence sonore propre.
Combien de voix hurlant dans un micro, relayées par une sono de qualité
moyenne ou médiocre, ont finalement obtenu le contraire de l'effet recherché :
une assemblée écrasée, découragée qui finit par ne plus avoir envie de
chanter.
Quels
gestes ?
Ils seront sobres pour être efficaces. On
ne s'improvise pas chef de choeur, mieux vaut peu de gestes qu'une battue
répétitive, monotone ou à contretemps. Une battue régulière pendant le
chant est bien souvent inutile. Quand le chant est lancé... le geste, aussi
efficace soit-il, n'en modifiera ni l'allure ni le déroulement.
L'ampleur des gestes sera adaptée :
-
à la taille de l'assemblée
: une direction de " cathédrale " face
à 30 personnes n'est pas utile,
-
au moment de la célébration :
on ne dirige pas un refrain pénitentiel comme
un Alléluia,
-
et à la connaissance qu'a l'assemblée du chant :
on ne dirige plus le "
Gloire à Dieu " qu'on chante depuis dix ans !
Faut-il chanter ?
Le moins possible pendant les refrains, le mieux étant de faire l'articulation
en " play-back" ou de chanter vraiment très doucement surtout si le
micro est sensible. Par contre il ne faut pas hésiter à chanter les strophes
ou à dialoguer avec l'assembler. La gestique doit alors être claire :
l'animateur arrête son geste quand il chante seul, afin que l'assemblée
comprenne.
Où se trouve l'animateur ?
Le lieu de l'animation des chants n'est pas (sauf impossibilité) le lieu de la
proclamation de la Parole de Dieu et encore moins dans le choeur. Nous avons à
inventer des dispositions dans l'espace du choeur : il suffit parfois d'un peu
d'imagination.
L'arrêt
Une assemblée s'arrête toute seule ! Le geste d'arrêt doit donc être
bref
et
discret.
Et quand l'animateur n'anime pas ?
Il participe à la célébration et on ne redira jamais assez combien
l'attitude
corporelle
de ceux qui se donnent à voir dans le
choeur,
est importante
pour
ceux qui les regardent, que ce soit l'animateur de chants, l'organiste, la
chorale, les lecteurs ou le célébrant.
Un animateur ou un organiste qui feuillette ses partitions, s'entretient avec un
lecteur ou un instrumentiste pendant une lecture ou un temps de recueillement,
oblitère une partie de la proclamation de la Parole ou du temps consacré à
Dieu. La liturgie est une action où chaque geste peut contribuer à la
cohérence de l'ensemble... ou tout démolir.
En conclusion,
Si l'on dit encore d'un animateur qu'il "bat la crème"...peut-être est-ce le signe d'une revendication légitime de
l'assemblée qui aimerait exister davantage. A chacun de trouver les moyens qui
lui permettront d'être de mieux en mieux au service du peuple de Dieu, qui
chante.
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