Quelques roses disposées dans un grand verre. Une main agile a joué avec elles, distraitement, pour en faire un bouquet. Les fleurs sont là, vivantes, fragiles, et toute la pièce est transfigurée.
Pourquoi ? " La rose est sans pourquoi ".
Pour qui ? Peut-être ont-elles été offertes...
Comment se réalise le miracle ? Il n'y a pas de réponse.

Ici, gratuitement, la grâce, la délicatesse, s'opèrent. Sans se livrer, le secret  est fascinant. Les fleurs éphémères accompagnent même les hommes et sont leurs dernières compagnes. Leur ferveur inutile serait-elle présage, pressentiment, présence ?

Peut-être cette main agile rentrait-elle fatiguée de son travail, le brouillard au cœur, sans aucun désir de faire quelque chose à manger. La victoire fut d'entrer chez le fleuriste et de choisir. Les roses montaient l'escalier devant elle, tout se préparait déjà à se transformer. Un peu d'eau, une petite place, et le monde est recréé. Demain, avant de partir au travail, on les arrosera et elles garderont la maison. Le soir, elles accueilleront, délicatement pimpantes.

La fleur est une énigme, un événement universel. Il n'en sera pas question au journal de vingt heures sur les chaînes de télévision, alors que la vie humaine, en tout lieu du monde, reçoit de ces humbles pétales une couleur vivifiante. La métamorphose tient entre deux doigts qui offrent une pâquerette ensoleillée...